« UN BANDIT D’HONNEUR »

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J’avais réalisé au cours de l’été 2018 l’interview de Yann Fastier, autour de son album jeunesse intitulé Guingouin, un chef du maquis. Un bel album, au trait inspiré des affiches sérigraphiées de l’avant-guerre.
Deux choses sont très intéressantes à noter : la première, c’est que Guingouin n’était pas l’idée première de l’auteur, qui cherchait avant tout à illustrer un personnage de bandit d’honneur. Un autre album est d’ailleurs sorti plus tardivement sur Zapata, au titre prometteur de Zapata est vivant, slogan de l’Ejercito Zapatista de Liberacion Nacional du Chiapas. De là à faire de Guingouin le Zapata des limousins, la tentation ne ferait peut-être pas l’unanimité. J’en reviens à la prudence sur les comparaisons entre des situations historiques, politiques, économiques et géographiques pas forcément comparables en tous points.
La deuxième, c’est qu’à mesure de ses travaux de préparation, Yann Fastier s’est éloigné du récit d’un héros individuel pour y construire un récit à plusieurs voix. Et c’est toute l’intelligence de la démarche narrative : une légende s’écrit par le récit des autres, à l’aune des impressions produites par les faits sur les narrateurs. J’ai pensé à cette séquence du film Braveheart de Mel Gibson. Un film qui n’a pas que des qualités et qui tord les faits historiques – bon dieu, il y avait un pont à Stirling Bridge, c’était pas une gentille empoignade entre des gentils paysans en kilt au milieu d’une prairie, c’était une bataille rangée où les troupes de Wallace sont parvenus isoler une partie de la troupe anglaise et à la dérouiller à l’entrée d’un pont. Mais pour revenir à ce qui nous occupe, dans cette scène (voir ici si vous ne vous souvenez pas), la légende de William Wallace se diffuse. Et pour le montrer, Gibson filme successivement un colporteur/voyageur/messager quelconque, puis plusieurs conversations où les faits qu’on prête au personnage sont de plus en plus extraordinaires. Tout cela fait écho à l’interview de Laurent Douzou que j’ai publiée dernièrement. La lutte clandestine doit se nourrir d’un certain degré de guerre psychologique, de bluff, pour favoriser l’adhésion de la population à son action et obtenir une certaine complicité. On rejoint là les théories de Mao sur la guerre révolutionnaire et le fait d’être « dans la population comme le poisson dans l’eau. » Récemment, en discutant avec une consœur journaliste, connaisseuse de la vie politique et sociale et cultivée, je me suis aperçu qu’elle prêtait à Guingouin 30 000 hommes et la libération d’autres villes que Limoges, hors de la Haute-Vienne. Cela fait écho également à l’interview que m’avait accordé Christian Pataud, et à cette phrase présente dans la bande annonce.

C’est un aspect à avoir en tête quand on s’intéresse à l’histoire d’un mouvement clandestin comme la Résistance. Tout groupe en lutte produit sa propagande. Sans être cynique, remettre tout en cause et ne plus vouloir croire en rien, il faut garder cette prudence vis-à-vis des faits. Et notamment parce que tous les faits ne sont pas purement objectifs. La Résistance française, par son action propre, n’aurait pu chasser du territoire français les armées du IIIe Reich. Néanmoins, par les actions de renseignement, de sabotage et de lutte armée, les femmes et les hommes des groupes et réseaux de Résistance ont apporté leur contribution à la destruction du régime nazi, à l’instar des armées conventionnelles et non-conventionnelles britanniques, américaines, françaises libres, polonaises, hollandaises, belges, danoises, norvégiennes, russes, biélorusses, ukrainiennes, baltes, etc. Au delà de la contribution tangible et objective à l’effort de guerre, ces femmes et ces hommes ont avant tout sauvé l’honneur. Et ça, c’est bien une notion subjective.

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