Le 12 septembre était inaugurée l’exposition Morts pour la France au Mémorial de Montluc.
Comme indiqué précédemment, cette inauguration coïncidait avec le cinquantenaire de la sortie en salle de l’Armée des Ombres de Melville. Une projection avait donc lieu après l’inauguration.
Imaginez retentir cette musique de film dans les murs de la prison mémorial de Montluc.
L’exposition :
Morts pour la France est une exposition consacrée aux fusillés du champ de tir de la Doua. Terrain de manœuvre, d’entraînement au tir et caserne depuis son acquisition par le ministère de la Guerre sous la monarchie de juillet, ce coin de Villeurbanne en bord de Rhône a servi de lieu d’exécution et de charnier. A la libération, la Résistance en fait une nécropole nationale.
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Aujourd’hui premier septembre. Les écoliers font le deuil de leurs vacances et vont se replonger, entre autre, dans le programme d’Histoire. Pour les collégiens de 3e et leurs aînés bacheliers, la montée du fascisme, du nazisme et du stalinisme et la IIe guerre mondiale, ainsi que Primo Levi, pour les plus grands.
Aujourd’hui 1er septembre, il y a 80 ans, le régime nazi prend prétexte d’une fausse attaque polonaise contre une antenne radio pour attaquer la Pologne. Sa revendication territoriale porte sur un port qui jadis fut membre de la ligue hanséatique. Quand les commerçants de ces cités interfaces s’associaient pour concurrencer les pouvoirs féodaux. Une histoire qui a laissé sa trace à Gdansk : berceau de Solidarnosk et de la contestation du régime communiste de Jaruzelski, Gdansk cultive encore aujourd’hui son indépendance vis-à-vis du gouvernement de Varsovie.
J’aurais pu développer sur l’enseignement de l’Histoire au sein du tronc commun éducatif des enfants un peu partout où ils ont accès à l’éducation. J’aurais pu développer sur ces premiers jours de septembre 1939. Comme je dois encore développer sur les premiers jours de septembre 1944.
Mais comme tous les écoliers, je suis trop occupé à faire mon cartable et à tailler les crayons. J’ai une interview demain avec l’adjoint aux anciens combattants de la ville de Limoges. Pour évoquer son rôle en tant qu’élu en charge d’une telle fonction, mais aussi, de son point de vue, de la place de la mémoire de la résistance dans l’espace public.
Brest, comme d’autres villes ne retrouve pas, après-guerre, sa structure urbaine d’origine. Des villes ressurgissent de terre quasiment ex-nihilo.
La période de la libération à l’été 44 regroupe en fait des réalités très diverses. Deux lignes de fronts s’ouvrent sur le territoire français métropolitain, sur deux de ses axes géographiques structurants :
La Provence et l’axe Rhône Bourgogne Champagne d’autre part.
Dans cette même logique stratégique, les Alliés comme l’occupant n’ont pas trop de troupes et de ressources à disperser dans ce qu’on appelle depuis le XIXe siècle la diagonale du vide ou en 1947 le « désert français » (Jean-François Gravier).
On distingue déjà cette logique territoriale en juillet 1944 lors de l’Opération Cadillac, qui parachute massivement du matériel aux maquis bretons, limousins, auvergnats et alpins dans le but de couper la France en deux en prévision du débarquement de Provence. En armant et accentuant l’hostilité pour l’occupant de ces zones défendables, les Alliés ont à la fois l’avantage d’aider la résistance intérieure française qui brule de prendre part à la Libération, d’occuper les forces allemandes à l’arrière de leur ligne de front et les empêcher d’y installer des poches de résistances. Ceci notamment expliquant la férocité des troupes allemandes contre les Glières, le Vercors ou les maquis de l’Ain. Tenir le Vercors, c’est menacer ou protéger Grenoble, donc une des voies de sorties pour des troupes occupant l’ancienne zone italienne, passée à l’Allemagne après l’effondrement de l’Italie fasciste à l’hiver 1943.
L’évacuation barbare
Le 17 août, Hitler ordonne un repli général. Plus d’un demi-million de soldats allemands (ou d’unités auxiliaires, d’autres nationalités, de forces de police politique et de collaborateurs divers) doivent éviter d’être bloqués avant la fermeture des passages sur la Loire et la Seine. On acte parfois la fin de la bataille de Normandie au 29 août, fin des opérations allemandes de repli à l’est du fleuve. Les alliés en atteignent les rives le 18. Les SAS français qui se sont illustrés en Bretagne au début de l’invasion sont envoyés en renfort des missions SOE et OSS dispatchées auprès des FFI pour harceler les dernières colonnes au mois de septembre dans un secteur le long de la Loire entre Moulins et Orléans. C’est l’opération Spencer. Von Choltitz a notamment pour mission de garder le passage d’évacuation pour les troupes quittant la Normandie. Avec bien sûr ordre de tout détruire derrière lui, ordre commun à toutes les unités allemandes qui se replient.
Front ouest au 1er septembre
Restent principalement des poches de résistance à des endroits stratégiques : des ports, comme la Rochelle et des embouchures comme celle de la Gironde (Royan et Pointe de Grave). De fait, de nombreuses localités se libèrent avec les forces locales. Agen est investie par les FFI au départ de la garnison allemande. Brive est libérée le 15 août après quelques heures de combat. Le 22, la brigade Von Jesser qui a sillonné les 3 départements limousins en traquant les maquisards depuis juin et est revenue dégager les garnisons de Tulle et Ussel quitte la Corrèze définitivement. La veille, toute une série de villes, dont Limoges, ont été libérées.
Alors que depuis le 12 août, la préparation de la Libération de Limoges entraine des accrochages en divers endroits, ils sont plusieurs maquisards à être exécutés par les troupes occupantes qui ne leur reconnaissent pas le statut « protecteur » de combattants, donc de blessés ou prisonniers de guerre.
De la Corse, qui se libère presque seule en 1943 aux poches de l’Atlantique qui ne tombent qu’en mai 1945 ou à l’Alsace et la Moselle annexées par le IIIe Reich, la réalité et le ressenti sont différents. En termes de mémoire, naturellement, les manifestations de la mémoire diffèrent.
Des expériences de la guerre différentes
Un officier de terrain américain a écrit dans ses mémoires de la bataille de Normandie avoir été surpris de l’accueil pour le moins réservé des normands pour leurs libérateurs. Les Alliés, parfaitement au fait de la bataille de propagande en cours, eurent soin, sinon d’annoncer leurs bombardements aux populations civiles, du moins d’assurer aussi le largage de tracts expliquant la raison de ceux-ci.
Il n’empêche que la mémoire des normands et des bretons est marquée par ces ravages.
À titre d’exemple, la commune d’Evrecy, à une quinzaine de kilomètres au sud de Caen, perd 130 habitants sur 400 et la quasi totalité de son bâti dans la nuit du 14 au 15 juin 1944. Le sentiment de Libération y est pour le moins ambivalent (voir vidéo suivante : « Je leur en veux et je leur en veux pas, ils nous ont quand-même débarrassé des boches. » ). Se trouvent donc sur la commune le monument aux morts du bombardement et celui du régiment gallois qui a libéré la commune.
Il est certain que le travail de mémoire n’y est pas le même qu’il peut l’être dans une commune de la montagne limousine qui ne s’est pas retrouvée sur la ligne de front principale. Non que la guerre n’y soit pas passée, avec son lot de violences et de crimes. Non que Limoges, par exemple, n’ait pas été bombardée : la gare de Bénédictins est bombardée en juin 1940, la gare de triage de Puy Imbert et l’Arsenal, l’usine de camions, le sont en février et juin 1944. Non encore que les forces allemandes n’y aient pas pratiqué une occupation brutale. Tulle, Oradour sont les exemples les plus connues, mais dès le printemps 1944, plusieurs colonnes allemandes passent semer la terreur pour essayer de chasser les maquis de ce terrain qui leur est propice.
Bombardement de la gare de Puy Imbert à Limoges fin juin 1944.
Petit aparté : contrairement à ce qui a pu être publié en certains endroits, les exactions de la Das Reich ne sont pas des représailles au harcèlement des maquisards locaux. L’ordre de marche du 7 juin pour la 2e division blindée SS est bien dans un premier temps de venir terroriser la population et les maquis, de peur de voir une poche de résistance se développer dans leur dos alors que la bataille de Normandie débute. Donc inutile de leur chercher des circonstances atténuantes pour Oradour ou les meurtres des civils de Tulle, ils étaient là pour tuer.
On ne parle tout de même pas du même niveau de destruction. Par ailleurs, le Limousin, comme une grande partie du massif central et du quart sud-ouest, n’aura vu, à la fin de la guerre, que très peu de soldats alliés. Seuls les agents du SOE ou de l’OSS parachutés en soutien des maquis ont pu montrer un peu leur uniforme aux populations locales. Ce qui en terme de marque laissée dans les esprits n’est pas non plus comparable au déferlement de matériel siglé et de GI’s.
Comme je passai par Saint Lo dans la Manche récemment, une habitante des environs m’expliquait que l’hôpital de la ville était américain. Détruit par les combats de juillet 1944, l’hôpital est reconstruit à partir de 1947 avec des fonds de l’American Aid to France. C’est à la foi un acte philanthrope, mais aussi un démonstration de soft power en début de guerre froide.
De fait, une très grande bannière étoilée flotte à sa porte, faisant écho aux centaines de drapeaux des pays alliés qui flottent aux devantures des cafés et commerces de ces communes.
En résumé
Il y a dans la France de l’automne 1944, les prémices de la mémoire qui se mettent en place. Ceci se fait avec un passé immédiat ou très proche encore partiellement inconnu. L’armée des ombres ne commence qu’à peine à en sortir. Quant aux camps, ils ne sont pas encore libérés. Entre les différents régimes d’occupation du territoire, le terreau politique préexistant de celui-ci et le passage ou non des combats de la Libération, les territoires français partent déjà avec un vécu différent, qui imprime une mémoire différente. Ce qui est certain, c’est que le soulagement certain du départ de l’armée occupante ne peut faire oublier les deuils. Quant aux enjeux politiques immédiats, ils vont contribuer à teinter la mémoire de la période écoulée.
La Libération, c’est aussi, sur cette charnière d’aout septembre, le moment où la France Libre change de visage. Ce que nous verrons dans le troisième épisode de cet article feuilleton.
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J’ai eu la surprise de croiser un de mes enseignants sur les réseaux sociaux. Non que j’ai trouvé son compte Facebook, tout enseignant se voyant confier des adolescents se méfie. Simplement une vidéo de France Culture me donnant la bonne surprise d’un visage familier.
Or le saviez-vous ? Un des pères du Comics américain, Jack Kirby, était un immigré juif autrichien. Forcément, un des premiers « supervillains » a recevoir quelques gnons sous la plume de Kirby fut Adolf Hitler.
Captain America est un protecteur des États-Unis contre les nazis. Magneto, l’ami/ennemi du Professeur Xavier, des X Men, est rescapé de la Shoah. Wolverine un mutant devenu arme de guerre dans un programme secret pour le Canada.
C’était une parenthèse pour fin de mois d’août, avant d’envisager la rentrée, en plus d’une nouvelle démonstration brillante que la mémoire est partout. Étonnant ? Pas vraiment, si on écoute de nouveau l’interview que m’a accordé le Pr Corcos.
La prochaine escapade en pop culture tentera de tirer quelques larmes aux anciens lecteurs du journal Spirou avec Mister Kit alias l’oncle Paul.
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J’ai évoqué Jean Cariven dans un précédent papier. J’ai croisé hier sa stèle à Brive. Ainsi qu’une autre stèle à Allassac jamais croisée.
La stèle de Brive se trouve d’ailleurs à l’entrée du pont Cardinal, à côté d’une célébrité : le marché de Brive la Gaillarde, renommé Marché Georges Brassens. Le coujou n’a rien contre le sétois.
Si la défense sur les 3 fronts ouest européens (Normandie puis nord de la France, sillon rhodanien et Italie) coûte cher à l’Allemagne, qui fait aussi face, durant l’été 44, à une offensive soviétique en Biélorussie (Opération Bagration de juin à août) , elle a coûté aussi très cher aux Alliés.
L’avancée des armées créant des besoins en ravitaillement pour chaque corps d’armée, les rivalités entre généraux sont exacerbées. Montgomery et Patton, les deux généraux les plus célèbres du front ouest se haïssent. « Monty » a laissé une bonne part de son prestige africain dans la plaine de Caen face, notamment, à la 12e panzerdivision SS. Patton, lui, a accroché à son palmarès la percée d’Avranches et la libération de la Bretagne (à l’exception des ports, où les troupes occupantes créent des poches).
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