SORTIR DE LA GUERRE

Entre le marteau et l'enclume, affiche de Jean Carlu pour les territoires français libérés en 1944. Un grand classique de l'affiche de propagande alliée par un illustrateur des plus célèbres. Et un bon exemple du consensus de 1944.
N° inv. : 001.130.113
Coll. musée Edmond-Michelet, ville de Brive

Un grand classique de l’affiche de propagande alliée par un illustrateur des plus célèbres.
« Cette affiche de Jean Carlu a été réalisée en 1944, pour les Nations unies, aux Etats-Unis d’Amérique. Elle a été apposée en France après le débarquement en Normandie. » nous dit le Musée Edmond Michelet de Brive dans une publication sur son compte Facebook du 9 mars.
Voir ici les commentaires plus approfondis de leur publication.
A mon sens, cette image est aussi un bon exemple du consensus de 1944. Cette affiche est prévue pour le public des territoires français tout juste libérés.

Je parle de représentation.
La Résistance intérieure, l’enclume, est unie sous la croix de Lorraine gaulliste. Cette unité a été d’une extrême difficulté à construire et reste d’une extrême fragilité. Néanmoins, le consensus s’établit sur l’idée commune de restaurer l’indépendance de l’Etat France pour ne pas tomber sous tutelle américaine. On le sait, le champion de Roosevelt, c’était plutôt Giraud, malgré sa proximité avec Vichy. Du reste, une monnaie était en préparation pour le territoire français sous administration américaine. La déclinaison du Conseil National de la Résistance en Conseils Départementaux, voir locaux, de la Résistance permet d’assurer la continuité administrative avant l’arrivée des commissaires de la République nommés par le Gouvernement Provisoire de la République Française.
Côté marteau, on remarque que le drapeau français fait la même taille que le drapeau soviétique. En termes d’effort de guerre, les deux nations sont pourtant difficilement comparables. En 1945, l’URSS comptabilise plus de la moitié des pertes militaires du conflit. Je ne m’avance pas sur les chiffres, faute d’avoir le temps de les vérifier pour cette publication mais la proportion est grossièrement de 1 pour 40 (chiffres à vérifier, je ne donne qu’un ordre d’idée.)
Néanmoins, pour le public français, il s’agit de faire figurer la France au rang des alliés vainqueurs (ce qui amène en 45 à l’existence d’une zone d’occupation française à Berlin, en Allemagne de l’Ouest et en Autriche).
Des troupes polonaises, hollandaises ou belges ont participé aux combats sur tous les théâtres d’opération. Mais leur drapeau n’apparaît pas sur cette affiche. Bien sur, les troupes coloniales sont cachées derrière le drapeau français (comme celles du futur Commonwealth). Et l’affiche s’adressant aux français ne s’intéresse qu’à la situation du front ouest européen.
Le relèvement de la France se fait non seulement sur l’effort réel de la France Libre et celui de la Résistance intérieure mais aussi sur un consensus entre les deux blocs sur le point de se créer. Une mise sous tutelle américaine avec occupation militaire aurait peut-être créé un cassus belli avec les communistes français ou les tendances nationalistes de la Résistance. Pour les communistes, l’idée de prise du pouvoir par les armes n’était pas envisageable non plus à la fois parce que la République Française faisait partie de leur culture politique et aussi parce que la possibilité de prise de pouvoir comme elle s’est faite dans les territoires occupés par l’armée rouge ne se présente pas sur le territoire français. Et puis bien sur, il ne faut pas oublier dans l’équation que Pétain n’a pas l’unanimité contre lui, sa popularité résidant jusqu’en novembre 1942 dans l’illusion de souveraineté gardée par Vichy.
Avec tous ces conditionnels, je me risque sur le terrain de la spéculation, bien sur.
C’est un peu toute cette situation complexe que Jean Carlu synthétise pour la population des territoires libérés. Parce que pour la population, il faut légitimer l’autorité qui se remet en place. D’ailleurs, c’est dans cette situation de flottement politique que se reconstruit un consensus entre les forces de la Résistance – où Moulin a forcé la réintégration des partis politiques et syndicats d’avant-guerre, au grand dam de certains réseaux (Frenay ou Brossolette y étaient hostiles) – et une continuité de l’État représentée par les fonctionnaires ralliés à la Résistance (avec plus ou moins de sincérité). Ce qui bien sur a permis à un Maurice Papon de passer entre les gouttes. Mais on s’éloigne de cette affiche…

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