LES ARDENTS

Une de mes lectures du moment m’a amené à cet ouvrage sorti récemment au Seuil.

Trois historiens, spécialistes de la Résistance, se sont lancés il y a quelques années dans l’écriture d’une histoire de la Résistance anglée sur l’organisation clandestine, les relations politiques et personnelles qui amènent, à partir de 1940, d’un simple refus de la défaite qui peut prendre des formes multiples à la mise en place, au printemps 1943, du Conseil National de la Résistance.

Inutile de vous présenter de nouveau Laurent Douzou, que j’ai interviewé ici.

Sébastien Albertelli est l’auteur d’une thèse à l’IEP de Paris sous la direction de Jean-Pierre Azema sur le Bureau Central de Renseignement et d’Action, ex Services de Renseignement, ce qu’on appelle le 2e bureau. Son domaine de spécialité, c’est le renseignement militaire de la France Libre, un réseau d’agents en service sur le territoire français pendant l’occupation.

Julien Blanc est un ancien thésard de Laurent Douzou à Lyon 2. Il a soutenu en 2008 sa thèse sur le réseau du Musée de l’Homme, un réseau civil.

Ces trois historiens ont donc une approche croisée, des sensibilités différentes, et ont eu soin d’avoir une démarche d’écriture en commun. Là où l’usage serait de confier à chaque spécialiste de traiter sa partie, ils ont choisi d’écrire ensemble tout le livre. Je pense qu’en décloisonnant ainsi leur approche, ils ont apporté à leur ouvrage une grande facilité de lecture et un grand intérêt didactique. L’absence de notes de bas de page, notamment, permet de garder le fil narratif.

Ce récit, pour rigoureux qu’il soit, est assez émouvant. Car au fil de ce récit, on redécouvre la Résistance alors qu’elle n’est rien, dans le chaos de l’été 40. On se replonge dans les premières prises de contacts. On redécouvre Lucie Samuel (elle et Raymond n’ont pas encore pris le nom Aubrac) écrivant anonymement des textes à son entourage pour le sonder, tester les réactions, chercher à qui se fier et de qui se méfier.

On y découvre Emmanuel d’Astier de la Vigerie, dandy, journaliste, cadet d’une famille de la noblesse de la Restauration, ancien élève des lycées parisiens et versaillais les plus huppés, militant de l’Action Française dans sa jeunesse estudiantine. Ses reportages en Allemagne et en Espagne dans les années 30 le retournent politiquement. Dans le Chagrin et la Pitié il se qualifie pour l’époque de « raté » , c’est à dire certainement écartelé entre ses valeurs familiales et ses convictions qui le rapprochent de plus en plus du parti communiste. Surtout, comme beaucoup de gens du milieu littéraire des années 30 (Kessel ou Malraux l’étaient aussi notoirement) il est opiomane. Certaines de ses relations, au courant de son addiction, refusent de le suivre lorsqu’il prend contact avec eux. Conscient que cette addiction est incompatible avec le travail clandestin qu’il s’apprête à mener, il s’enferme chez lui et se désintoxique avec des bains chauds.

À cette époque, Armand Dutreix, à Limoges, organise ses réseaux sur la base de ses relations politiques : socialistes et francs-maçons.

C’est donc une lecture particulièrement passionnante tant il est intéressant de voir ces premiers modes d’actions et d’organisation se mettre en place de façon complexe, d’une part, et tant on ne peut être qu’en admiration devant la ferveur, l’ardeur et la ténacité qu’ont pu exiger ces efforts, malgré les dangers, malgré les échecs et surtout, ce qu’on a tendance à oublier, l’abattement qui est celui de la population française en 1940-1941.

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