PLUS PRÈS DE TOI, MON VIEUX…

Vous avez déjà vu cette photo dans l’article d’hier.

Je souhaitais y revenir. Ce séjour à Lyon, et mon passage dans ce lieu en particulier, m’ont donné à penser.

La prison de Montluc est passée en 2010 de l’administration pénitentiaire à la défense, qui a la tutelle sur la mémoire. Aussi, après avoir servi un temps bref de lieu d’entraînement aux unités d’intervention (RAID, GIGN, ERIS), ce lieu à fait l’objet d’une remise dans son jus. Forcément artificiel, mais techniquement, une prison ne bouge pas tant que ça.

Je m’abstiens de commentaires sur l’administration pénitentiaire française, ce n’est pas le lieu.

La prison militaire devient prison civile en 1947, puis prison pour femmes jusqu’à sa fermeture.

La visite de ce lieu, contrairement au CHRD de l’avenue Berthelot, n’a qu’une portée didactique limitée. Non que le lieu soit abscons, les explications n’y manquent pas. Mais contrairement au CHRD, qui d’école de santé militaire devint le siège de la Sipo-SD jusqu’à ce que le bombardement du quartier Jean Macé le 26 mai 1944 fasse déguerpir les gestapistes à la place Bellecour, le site de la prison de Montluc est devenu un Mémorial, un lieu de mémoire, plutôt qu’un musée, ou, comme l’expression est utilisée pour l’ancien fort de Péronne, dans la Somme, un historial.

Au CHRD, les panneaux se succèdent, chronologiques, thématiques, analytiques. Des objets de la collection sont exposés, expliqués, circonstanciés. On peut toujours discuter la muséographie, comme par exemple le fait d’avoir séparé légèrement les panneaux des premiers mouvements (libération, franc-tireur, combat) du panneau des FTP (F et MOI), pacte Germano soviétique oblige. On a là une grille d’analyse plutôt gaulliste des faits. Un travail plus orienté vers une tendance communiste, s’il a l’ honnêteté de ne pas cacher le pacte et la politique ambiguë du bureau central du PCF, tiendrait plus volontiers compte parmi les précurseurs des premiers résistants communistes de 1940 (Guingouin, le couple Aubrac-Samuel, Charles Tillon…), même si ceux-ci (et celles-ci) ont plus agi de leur propre chef que sur instructions.

Petit aparté pour signaler que le CHRD (centre d’histoire) compte dans son exposition permanente une véritable relique : une plaque gravée en zinc de la première édition du journal du mouvement Combat, fusion du MLN d’Henri Frenay avec le mouvement Liberté.

À voir aussi au CHRD une reconstitution d’un coin de rue et d’un intérieur lyonnais des années d’occupation. Ce qui est absolument artificiel, mais instructif.

La prison de Montluc est un lieu différent. S’y sont retrouvés les détenus de la résistance et les juifs raflés dans des conditions abominables. Anciennes prison militaire, adossée au tribunal militaire. Les cellules y mesurent deux mètres sur un mètre quatre-vingt dix. Les détenus des années 40 se retrouvent à six ou huit dans moins de quatre mètres carrés. Dix minutes de promenade par jour pour vider les seaux d’hygiène, accéder à un point d’eau pour une toilette et un nettoyage de linge plus que sommaire. Une baraque dans la cour de promenade accueille les juifs dans des conditions aussi effroyables. Klaus Barbie, enfin capturé en 1983, y est détenu brièvement et symboliquement après son extradition de Bolivie (seul en cellule et avec accès aux sanitaires, lui).

La visite se fait le long des coursives de la prison, de cellule en cellule. Dans chaque cellule, un à deux panneaux présentant des résistants ou des familles victimes du génocide (et bien sûr aussi des résistants juifs). La répartition des panneaux dans les cellules est aléatoire. On constate d’ailleurs l’œcuménisme de la résistance, entre laïcs et religieux, patriotes, socialistes, communistes, juifs, chrétiens, etc.
Mais archives et témoignages ont permis de situer précisément trois détenus : Marc Bloch, Raymond Aubrac et Jean Moulin. Alors on entre dans la cellule comme dans un sanctuaire et on est pris par l’émotion. Parce qu’on entre avec cette idée que ça a eu lieu ici-même. Chacun, entre les interrogatoires, a été ramené dans la pièce précise où on se trouve.

C’est toute la différence entre un lieu de transmission de connaissance scientifique, même quand celui-ci est marqué par l’histoire (c’est dans les caves du bâtiment du CHRD que les résistants étaient torturés) et un lieu de recueillement. L’accès à Montluc est d’ailleurs gratuit.

Comme un lieu de pèlerinage.

Pour voir les photos et l’article Lyon, lieu de mémoire, cliquez ici.

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