UNE AFFAIRE DE FAMILLE ?

En cette journée internationale des droits des femmes, j’ai partagé sur la page facebook du projet le témoignage de Camille Senon. Son témoignage commence à Oradour-sur-Glane. Le 10 juin dans l’après-midi, les SS arrêtent le tramway de Limoges et lui empêchent l’accès à Oradour. Camille Senon est à bord, elle va rendre visite à ses parents qui habitent la bourgade. Plusieurs de ses proches comptent parmi les 642 victimes.
Ce matin, c’est à ma propre grand-mère que m’a renvoyé ce témoignage.
Ma grand-mère est née en 1921. En juin 1944, elle est jeune institutrice. Le 11 juin, elle croise à Limoges la mère d’une de ses camarades de promotion, très émue. « Il s’est passé quelque chose à Oradour, ma fille y était avec son enfant. Voulez-vous m’accompagner à la Kommandantur pour avoir des informations ? »
Ma grand-mère a attendu que je sois adolescent pour me raconter cette histoire. Tel que je m’en souviens, elle me l’a racontée cette histoire parce que je lui avais dit que nous allions visiter Oradour avec ma classe de 4e ou de 3e.

Elle s’est souvenue toute sa vie de cet officier allemand leur disant le plus calmement du monde : « Mais mesdames, croyez bien que s’il s’était passé quelque chose à Oradour, nous en serions les premiers informés. »
Ce souvenir est revenu en boucle après la mort de Georges Guingouin. Elle ne m’avait jamais parlé de lui. Pourtant, je crois qu’elle et mon grand-père l’avaient connu. De ce que je crois savoir, mes grands-parents ont participé aux comités de soutien à Georges Guingouin quand celui-ci était poursuivi dans les années 50.

Je n’ai pas connu mon grand-père. Il est décédé peu de temps avant ma naissance. De lui, je ne connais que quelques bribes, quelques anecdotes, quelques photos vieillies. Un manipulateur morse dont j’ignore s’il était le sien et à quoi il lui a servi. Et aussi deux séries de photos petit format. L’une allait avec le manipulateur morse et montrait plusieurs avions de guerre sur un aérodrome. Élève de l’école de l’air avant guerre, mon grand-père a apparemment repris une affectation dans l’armée de l’air lors des combats contre les troupes allemandes restées dans les poches de l’Atlantique jusqu’à la capitulation allemande. L’autre série de photos, ce sont les ruines d’Oradour. Nous les avons retrouvées après le décès de ma grand-mère. Mon grand-père avait apparemment participé au déblayage des décombres d’Oradour. Pour mon grand-père comme pour ma grand-mère, personne dans la famille ne sait ce qu’ils ont fait. Juste quelques bribes pas toujours saisissables.
Mes autres grands-parents non plus n’en parlaient pas. Mon autre grand-père était prisonnier de guerre. Il est décédé avant qu’on puisse parler de ces choses là, je n’étais qu’un enfant. Pourtant, mes grands-parents vivaient à une trentaine de kilomètres de Tulle. Hormis ma mère qui m’a raconté que les gerbes de fleurs pendues aux balcons de la ville chaque 9 juin la glaçaient, je n’en ai jamais entendu parler dans ma famille.
Pourquoi étaler ici ces choses qui sont personnelles ? J’espère ne pas froisser les miens en faisant cela. Mais au delà de l’émotion qui se réveille en quelques occasions, je pense qu’il est nécessaire dans ma démarche de me confronter à la question de savoir d’où je parle.
Ayant posé la question à un historien, Laurent Wirth, qui s’était penché sur l’Histoire de ses deux grands-pères, son père et son oncle, tous les quatre impliqués dans les deux conflits mondiaux, de la gestion de la distance par rapport à son sujet, il m’avait répondu que c’était la rigueur de la méthode de l’historien qui lui avait permis de gérer la distance par rapport à son sujet.
Je tâcherai, tout au long du travail que je mène, de m’attacher à la rigueur de mon métier de journaliste et à la vérification de mes informations.
C’est certainement le sens profond de ce projet.

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