LE HÉRAUT DU DÉBARQUEMENT

Cornelius Ryan (1920 – 1974)

Il aurait eu 100 ans hier. Et l’évènement par lequel il se rendit célèbre eût lieu il y a 76 ans.
Cornelius Ryan est né à Dublin le 5 juin 1920. Émigré en Angleterre, il devient journaliste. Et dès 1941, correspondant de guerre du Daily Telegraph.
À ce titre, il couvre les combats de la Libération : la campagne aérienne pour la suprématie sur le ciel européen puis la campagne sur le sol européen avec la 3e armée américaine de Patton. Il couvre ensuite le théâtre d’opérations du Pacifique et la fin du mandat britannique en Palestine.
Puis il émigre de nouveau. Pour les États-Unis, cette fois. Là, notamment pour Collier’s, il couvre, en autre, la conquête spatiale. Il commence alors à jouir d’une certaine renommée.
C’est en 1959 qu’il sort son ouvrage le plus connu : le jour le plus long. Quinze ans après les faits, et après neuf années de recherche de témoins, Cornelius Ryan publie la grande fresque épique du débarquement de Normandie.
C’est un succès.
Trois ans plus tard, Hollywood lui emboîte le pas. La XXth Century Fox produit l’adaptation pour dix millions de dollars. Six réalisateurs, dont les producteurs Elmo Williams et Daryl Zanuck, encadrent un casting pléthorique : plus de 120 rôles britanniques, américains, français ou allemands, plus de 2000 figurants. Une super-production à l’image des gros standards d’Hollywood à l’époque. L’année suivante, Cléopatre coûte 4 fois plus cher. Un record.

Avec une certaine logique, une production d’une telle ampleur appuie sur un consensus. Qui fonctionne, d’ailleurs. 15-20 ans après la guerre (une partie du casting du film a d’ailleurs combattu) dans les pays ciblés pour la distribution, c’est à dire le bloc de l’ouest, un consensus se fait sur le sens de l’évènement. Ainsi, John Wayne, en colonel de la 82e division aéroportée, a cette tirade : « les Anglais subissent le Blitz depuis 1940. Nous sommes des nouveaux venus. » Mais pas une seule évocation du front de l’est dans le film ou dans le livre.
En pleine guerre froide, il aurait été malvenu de rappeler le rôle de l’URSS dans l’effondrement du IIIe Reich. Ou d’évoquer l’offensive Bagration, lancée par Staline en juin 1944. La percée à travers la Biélorussie est pourtant le pendant oriental de la percée des armées alliées en France au cours de l’été 1944.
On notera également que, dans une Europe où l’Allemagne de l’Ouest a retrouvé sa place, tous les rôles allemands font l’économie d’évoquer le nazisme et l’antisémitisme. Contrairement au « Soldat Ryan » de Spielberg, il n’y a pas au casting de soldat juif qui récolte les poignards des jeunesses hitlériennes ou prend le temps de montrer aux prisonniers allemands l’étoile de David qui orne sa plaque d’identification.
Quand aux fameux « panzers de réserve » réclamés par les stratèges allemands, l’appartenance de certaines unités à la Waffen SS passe aux oubliettes.
Du reste, Le jour le plus long, produit avant la guerre du Vietnam, est nettement différent de son « petit frère » Un pont trop loin. Publié par un Cornelius Ryan mourrant, en 1974, ce dernier, à travers l’échec de Market Garden, semble marqué par le discrédit qui s’est attaché à l’institution militaire après les guerres de la décolonisation. Et en particulier après la guerre du Vietnam.

Le jour le plus long, comme Un pont trop loin, sont donc à prendre pour ce qu’ils sont : des ouvrages de mémoire. Il est aussi important de ne pas perdre de vue que c’est beaucoup par le premier – et en particulier son adaptation – que s’est ancrée dans les mémoires la représentation du débarquement du 6 juin 1944.

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